Présentation : Voir, c'est savoir (VoiS)

Suite à un projet de catalogage des manuscrits grecs illustrés de contenu scientifique de la Bibliothèque nationale de France, que j'ai codirigé avec Chr. Förstel (conservateur en chef des manuscrits grecs de la BnF), j'ai été amené à réfléchir à un projet de recherche sur l'illustration médicale dans le cadre de l'appel à projets de l'Observatoire des Patrimoines de Sorbonne Université1. Ainsi est né le projet « Illustrations of Medical Medieval Manuscripts » (I3M), qui a été, à son tour, élargi quelques temps plus tard à l'ensemble de l'illustration scientifique byzantine, ses fonctions et son utilisation.

Ce dernier projet, intitulé « Voir, c'est savoir » (VoiS), englobe une vingtaine de textes grecs conservés dans 180 codex illustrés, qui ont préservé un peu plus de 2770 miniatures. Son principal objectif consiste en l'élaboration d'une typologie de l'illustration scientifique byzantine. Pour aboutir, la collecte méthodique des illustrations des manuscrits grecs scientifiques est nécessaire. Par la suite, ces données seront analysées pour mieux comprendre comment l'image participe à la transmission des savoirs scientifiques. Il a fallu donc dans un premier temps pouvoir collecter les données visuelles.

Le projet VoiS repose sur la création d'une base de données relationnelle dans laquelle seront versées les images scrupuleusement décrites selon une fiche type. Les images vont être rassemblées à partir de photothèques personnelles (plusieurs collègues sont d'accord pour mettre à disposition de ce projet leurs fonds) et aussi à partir de bases de données existantes (Animaliter en Allemagne, Mandragore en France, The Medieval Bestiary au Canada …). L'import depuis ces dernières bases de données se fera grâce à un algorithme qui permet le moissonnage des images. Celui-ci est déjà en service pour la base de données Musiconis, avec laquelle la structure informatique est identique.

Au sein de cette base de données, l'indexation est constituée de trois parties.

  1. La partie A comprend des informations générales
    1. Lieu : comporte le nom du lieu actuel de conservation du manuscrit avec indications du fonds et de la cote
    2. Provenance
    3. Date : lorsque celle-ci n'est pas connue, elle sera indiquée en siècles. S'il y a des précisions à apporter, elles seront ajoutées après la date, entre parenthèses
    4. Emplacement : indique la position de l'image par rapport au texte (avec précision du numéro du folio) et par rapport aux éventuelles autres images sur le même folio (ou le folio opposé)
    5. Format
    6. Technique : on considère quatre catégories de techniques :
      1. Dessin à la mine de plomb sur papier
      2. Dessin à la mine de plomb sur parchemin
      3. Peinture sur papier
      4. Peinture sur parchemin
    7. Encadrement : indique l'éventuelle présence de bandeaux décoratifs, de filets ou de bordures qui enserrent l'image en limitant son champ
    8. Fond : indique l'éventuelle existence d'un champ ou simplement d'un arrière-plan sur lequel se détache la figure décrite
    9. Inscription : on transcrit et, si c'est nécessaire, on traduit la légende de l'image (ou le titre du chapitre à proximité s'il n'y a pas de légende)
  2. La partie B contient des informations concernant l'iconographie de l'image dans son ensemble
    1. Thème : le but est de donner une compréhension immédiate de l'image sans entrer dans les détails. Autrement dit, d'indiquer le sujet de la représentation en résumant les principaux aspects de celle-ci
    2. Composant(s) : indique, dans chaque image, s'il y a un ou plusieurs composants explicitement reliés entre eux
    3. Composition : exprime la « syntaxe » (c'est-à-dire l'ordre de présentation) des principaux composants, ou éléments, de l'image
    4. Scène(s) : une image peut être composée d'une ou plusieurs scènes. Une scène est formée de plusieurs composants2. Une relation est explicite quand il y a :
      1. Contact physique
      2. Interaction explicite
      3. Interaction dans un sens plus large (rencontre, conversation…) ou participation passive à l'action (spectateurs, témoins…)
      4. Participation à un même processus intransitif (marche…)
  3. La partie C comprend des informations concernant chaque composant de l'image
    Elle est divisée en quatre grandes catégories3 :
    • Les personnages et leurs vêtements
    • Les animaux et leur harnachement
    • La végétation
    • Les autres éléments

    La description de chaque figure (partie C) ne s'appuiera pas sur le langage naturel, elle se fera d'après un thesaurus iconographique. Celui-ci sera constitué sur la base de ce qui existe déjà et enrichi de termes propres au domaine byzantin et aux sciences4. L'avantage d'un tel choix est de faciliter les recherches mais aussi, et surtout, de pouvoir établir par la suite un véritable inventaire iconographique propre aux images scientifiques byzantines.

Stavros Lazaris
UMR 8167 – équipe « Monde byzantin »


2 Il est important de toujours indiquer le nombre de composants et le nombre de scènes (en précisant quelle est la scène principale et quelles sont les scènes secondaires).
3 Cette partie comporte différents termes (les descripteurs) propres à la description.
4 Actuellement, il y a trois grandes entreprises de thesaurus iconographiques. Le premier a été publié par Fr. Garnier et utilisé principalement par l'IRHT pour la description de leurs bases de données « Enluminures » et « Liber Floridus ». Le deuxième a été mis au point par le Groupe d'Anthropologie historique de l'Occident médiéval (GAHOM) et il est actuellement utilisé par plusieurs institutions aussi bien en France qu'à l'étranger. Enfin, le troisième est employé dans le programme « Peintures des RÉgions ALPines (PREALP) » du GDR SALVÉ (Sources, Acteurs et Lieux de la Vie religieuse à l'Époque Médiévale). À ces trois entreprises, il faut ajouter le thesaurus de la base de données « Mandragore » de la Bibliothèque nationale de France, plus souple que les trois autres, mais qui peut être aussi moins précis dans certaines descriptions.
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